Du jeu vidéo... au jeu vidéo ! Les Invaders de l’espace, créatures d’un jeu vidéo japonais devenues mosaïques sur les murs des grandes villes, semblent nous adorer, ou peut-être est-ce l’inverse !
Première invasion de l’espace électronique
À l’origine un jeu vidéo d’arcade japonais programmé par Toshihiro Nishikado, Space Invaders, ou Envahisseurs de l’espace, fait partie des premiers shoot them up. Après sa sortie en 1978 au Japon, il rencontre un succès mondial phénoménal.
À la conquête de l’espace urbain : les invaders d’Invader
En 1996, Franck Slama (né en 1969), mosaïste diplômé des Beaux-Arts, reprend le concept de ces “envahisseurs de l’espace”. Sous le nom d’Invader, gardant le secret de son identité, il se fait rapidement connaître et devient une figure majeure de cet art nouveau qu’est le street-art. Son projet, Invasion, est lancé. Ces personnages aux formes simples et similaires, fabriqués en carreaux de mosaïque représentant les pixels du jeu d’origine, ont l’avantage de ne pas s’abîmer avec le temps. Ils demandent toutefois un gros travail de préparation. Avant de poser une nouvelle œuvre, l’artiste réfléchit au lieu et à ce qu’il y représentera. Ses créations sont toujours uniques et leur choix justifié afin de créer un dialogue entre l'œuvre et le lieu. Ainsi, à Toulouse, Invader a choisi d’utiliser des tons roses pour ses mosaïques, en lien avec les couleurs des bâtiments de la ville. Les envahisseurs sont souvent des petites créatures, mais il arrive aussi que l’artiste reprenne des figures connues de tous, telles qu’Alice au pays des merveilles ou Picasso. En 2005, l’artiste a créé un nouveau mouvement, le rubikcubisme, avec des space invaders en relief, constitués de Rubik's Cubes, ou des mosaïques aux formes géométriques et colorées. L’Invasion s’est ainsi progressivement étendue et de nos jours, 80 villes dans le monde ont été envahies par près de 4 053 space invaders de toutes formes et genres.
Conquête des publics et exploration de nouveaux espaces
Afin d’installer ses mosaïques sans se faire repérer et arrêter – son art étant illégal – Invader prépare les œuvres en amont. Celles-ci ont tant de succès qu’il a dû concevoir une solution pour les protéger du vol : des tessons fragiles ainsi que des colles spéciales extra-fortes avec du ciment empêchent l'œuvre d’être détachée sans se briser. De plus, il bénéficie d’alliés : des “équipes de réactivation” se sont progressivement créées, afin de réparer – ou reconstruire si
nécessaire – les créatures endommagées.
Bien que street artist, Invader conçoit aussi des œuvres destinées aux galeries, en particulier des alias qui sont des copies officielles et uniques d’invaders présents dans la rue. Il contribue aussi à leur diffusion commerciale et en 2003, l’artiste sort une paire de baskets invaders. Avec trois envahisseurs sur la chaussure et un sur la semelle, les fans peuvent à présent participer eux-mêmes à l’invasion en laissant leur trace !
L’invasion gagne ensuite peu à peu des espaces nouveaux. En 2012, l’artiste immerge trois space invaders grâce au sculpteur sous-marin Jason de Caires Taylor et en 2015, l’artiste réussit un coup de maître en envoyant un invader dans l’espace, à la Station spatiale internationale : la créature a retrouvé sa maison ! Un emoji à leur effigie est même créé.
Une application addictive ou la conquête des téléphones
Cependant, si les œuvres de cet artiste sont si connues, c’est surtout grâce à l’application FlashInvaders sortie en 2014. Ce jeu grandeur nature rassemble tous les fans de space invaders et permet même de voir les derniers flashés partout dans le monde en temps réel.
Le concept est simple : il suffit de “flasher” le plus d’envahisseurs possible, avec un nombre de points variables, de 10 à 100, en fonction de la taille, du lieu et de l’originalité de la mosaïque. Comment se terminera cette invasion ? Personne ne sait…
Venise Balazuc--Schweitzer