Un métier une interview : repéreur
- Venise Balazuc- -Schweitzer

- 15 nov. 2021
- 5 min de lecture
Si nous vous disons « film », à quoi penserez-vous ? Acteur, réalisateur… Et bien aujourd’hui nous vous présentons un métier essentiel à la réalisation d’un film : le repérage.
G : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Frédérick Vin, je suis repéreur pour le cinéma et la publicité et j’écris des scénarios de film pour le cinéma et la télévision.
G : En quoi consiste le métier de repéreur ?
Le repéreur, c’est la personne dont le métier consiste à trouver des décors pour les films, qu’ils soient pour la publicité, le cinéma ou la télévision.
G : Comment est-ce que votre travail fonctionne ? Comment vous organisez-vous ?
Tout d’abord, une société de production m’appelle. Si je suis libre, ils me racontent le projet. Ensuite, ils m’envoient par mail un brief et un storyboard, c'est-à-dire le petit scénario du film et les dessins des différentes actions et ils m’expliquent quels sont les décors que je dois chercher. Après ça, je dresse la liste des endroits que je dois trouver et je me mets au travail.
La base, c’est de ne jamais partir sans savoir où l’on va, sinon vous pouvez passer des heures, des jours, à compter sur le hasard en vous promenant pour tomber sur le bon endroit. Je détermine des zones dans lesquelles je peux trouver ce que je cherche, notamment quand je recherche des extérieurs. Il m’arrive de chercher des routes en forêt ou en pleine campagne. Et là je détermine des zones où je vais trouver ce que je cherche, en terme de végétation par exemple. Ceci est la première partie du travail.
La deuxième partie consiste à réussir à convaincre des gens d’accueillir un tournage. Il y a trois manières d’y arriver : la première, je suis aimable, ils m’aiment bien et du coup ils veulent être sympathiques avec moi ; la deuxième, l’argent que les gens qui accueillent le tournage gagnent ; la troisième, ce qui était le cas pour un chantier que j’ai cherché récemment, la conductrice de travaux (ou la personne en charge) n’avait jamais vu un tournage de film de sa vie.

G : Quelle est la différence entre les films de publicité et les films de télévision ou de cinéma ?
C’est d’abord le nombre de décors et le temps dont on dispose. Un film publicitaire dure en général 30 secondes, donc la plupart du temps il y a trois, quatre, cinq décors maximum. Un film de fiction, c’est en moyenne 1 heure 30… Donc imaginez, le nombre de décors et de recherches à faire est énorme. Du coup, sur un film de fiction, il y a en général plusieurs repéreurs.
Certains films n’ont principalement qu’un grand décor, comme Poudlard pour Harry Potter, mais d’autres demandent d’en trouver de nombreux, et variés. Par exemple, un road movie qui traverse la France demande beaucoup de décors ou un film thriller dans lequel on va avoir les endroits du crime, les rues dans lesquelles on cherche l’accusé, le commissariat, le palais du justice… Puisqu’on est à la recherche du coupable. il y a plein de lieux différents à trouver.
Pour un film de publicité, il faut ce qu’on appelle des décors assez graphiques avec une esthétique forte, avec des couleurs, avec des architectures particulières. En revanche, souvent, pour le cinéma on cherche des décors qui ont l’air normaux puisqu’on raconte la vie des gens.
G : Comment trouve-t-on un appartement à louer pour le tournage d’un film ?
Quand c’est un endroit public, on cherche, on regarde sur internet. Pour les décors de particuliers, il existe des agences de repérage spécialisées. Elles ont des photos des appartements qui sont disponibles. Si par exemple je cherche un appartement dans le XIVe arrondissement qui ressemble à un atelier d’artiste avec des grandes verrières, je vais chercher des photos qui correspondent à ça parmi tous les appartements qui existent dans ces agences et je vais en sélectionner un certain nombre que je vais proposer au réalisateur qui va faire son choix. En passant par ce type d’agence, ça nous fait gagner du temps puisque les gens sont déjà volontaires pour louer leur appartement, on n’a pas à les convaincre. Ils savent ce qu’est qu’un tournage, que ça représente beaucoup de gens qui débarquent chez vous…
G : Justement comment ceux qui vous louent leur appartement doivent-ils s’adapter au tournage ?
En règle générale, lorsque des gens décident de louer leur appartement pour un tournage, ils doivent partir de l’appartement puisqu’on y travaille. Parfois on enlève les meubles et on les remplace par d’autres qui nous conviennent. Il arrive qu’on demande l’autorisation de repeindre certains murs parce que les couleurs ne conviennent pas. Après le tournage, soit on repeint comme c’était originellement, soit les gens décident de garder les nouvelles peintures, trouvant que c’est encore plus réussi.
G : Est-ce que les séries changent de repéreurs entre les épisodes ?
Non, on va chercher les décors de tous les épisodes de la saison en même temps et on va se répartir la liste des décors entre repéreurs puisque une série, ça ne se tourne pas dans la chronologie. Parfois on va tourner des scènes du dernier épisode en même temps que des scènes de l’épisode du milieu et du premier épisode : on tourne en même temps toutes les séquences qui se passent dans le même décor même si elles ne se passent pas toutes dans le même épisode.
G : Vous êtes aussi scénariste et réalisateur, est-ce que cela influe sur votre vision des choses ?
Absolument, dans la mesure où je réalise moi-même, quand je vois un décor je vois rapidement quel en est l’intérêt et quelles en sont toutes les possibilités. Et à l’inverse, dans mon travail d’auto-réalisateur, le fait d’avoir regardé des décors et de savoir les possibilités qu’ils donnent, ça m’offre une acuité particulière, parce que je dois moi-même chercher des décors pour mes propres films.
G : Qu’est-ce qui vous a amené à être repéreur ?
Avant d’être repéreur, j’étais assistant sur des longs métrages, ce qui me prenait beaucoup de temps, faisant que lorsque j’écrivais mes propres scénarios, il m'arrivait de décrocher de mon écriture pendant de longs moments. J’ai donc décidé d’arrêter et de faire autre chose. On m’a alors proposé de rechercher des décors et je me suis rendu compte que ça me permettait de travailler sur des périodes plus courtes, me laissant plus de temps pour mon écriture personnelle.
G : C’est un métier solitaire ou que l’on fait en équipe ?
Lorsque ce n’est pas un énorme film et que le nombre de décors est raisonnable et s’il y a le temps, je vais le faire seul. S’il y un nombre de décors importants et s’il y a peu de temps pour les trouver, les sociétés de production vont engager plusieurs repéreurs et on va se répartir la tâche. l’un cherche les chantiers, un autre l’usine, un autre les appartements… Mais 90 % du temps, je travaille seul.
Propos recueillis par Venise Balazuc- -Schweitzer
et Simone Faure


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