C'est les vacances, l’atmosphère est fraîche, l’hiver approche à grands pas. Alors, on repense avec envie et nostalgie à cette saison écourtée qu’est l’été. On repense à ces dernières semaines, ces derniers jours précédant la rentrée scolaire. Ces fameux instants où l’on consulte la liste des fournitures scolaires demandées. Et, quand vient le tour des manuels, on se dirige hâtivement vers la librairie la plus proche de chez soi. En parlant de librairie, fameuse échoppe du savoir et de la littérature, on connaît tous la librairie des Libres Champs, tout près de l’École. Mais connaissez-vous cette toute autre boutique, rue Campagne Première, perpendiculaire au boulevard du Montparnasse ?
Graffiti : Bonjour. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Corinne : Je m’appelle Corinne, je suis libraire rue Campagne Première, à la librairie-papeterie Le Coquelicot. Après des études de comptabilité, j’ai travaillé 15 ans comme contrôleuse de gestion pour le compte d’entreprises publiques ou privées des secteurs de la presse et de la protection sociale (assurances, retraites, etc.), fonction qui vise à aider les dirigeants dans le pilotage de leur entreprise. Je me suis reconvertie dans la profession de libraire il y a presque douze ans. Mon expérience de contrôleuse de gestion m’aide à gérer au quotidien mon commerce.
G. : Pourquoi avez-vous choisi cette profession ? Et qu’y aimez-vous en particulier ?
C. : À vrai dire, j’ai toujours beaucoup lu et, déjà au lycée, j’avais envie de devenir libraire. Dès que je tourne une page d’un roman, j’ai la sensation d’être aspirée hors du monde réel, de pénétrer dans une réalité ayant pour seule limite l’étendue de mon imagination. C’est donc cette quête éternelle du rêve et de l’imaginaire qui a éveillé en moi cette vocation et m’a fait tenter l’aventure. L’aspect humain, la satisfaction que j’éprouve lorsque j’accompagne ma clientèle grâce à des recommandations diverses de lecture, sont pour moi ce qu’il y a de plus important.
G. : Quelles sont les caractéristiques de votre clientèle, en termes d’âge, de type de population… ?
C. : Ma clientèle est principalement constituée d’habitués du quartier, comprenant de jeunes étudiants, élèves de collège et lycée, ainsi que de nombreux adultes fervents lecteurs. Je travaille en étroite collaboration avec plusieurs écoles, dont l’École alsacienne, que ce soit à travers la distribution et l’approvisionnement des ouvrages présents au C.D.I., ou dans le cadre de projets littéraires comme le concours de nouvelles organisé chaque année, auquel je participe en tant que membre du jury.
G. : Quel a été le livre qui s’est le mieux vendu dans votre librairie ?
C. : En général, les prix littéraires, mais également les coups de cœur que je conseille, sont les plus populaires. Mais L’Anomalie d’Hervé Le Tellier (prix Goncourt) et Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli (Prix de l’Académie française) restent mes meilleures ventes.
G. : Avec l’émergence de l’intelligence artificielle, éprouvez-vous les conséquences de la transition entre l'œuvre papier et le numérique ?
C. : Pas vraiment, non. D’abord, je ne pense pas que l’émergence du numérique soit obligatoirement une mauvaise chose. Je suis même assez positive sur la question. Déjà, car je ne crois pas que la démocratisation d’outils comme ChatGPT empêchera les gens qui aiment lire de continuer à lire, et je reste convaincue que l’IA ne sera jamais capable de se substituer à un auteur pour transmettre les sensations et émotions qu’une œuvre peut nous procurer.Ensuite, cela ne se ressent pas dans mon chiffre d’affaires, peut-être parce que ma clientèle juvénile consomme principalement des articles de papeterie et exclusivement les textes scolaires recommandés par les professeurs ! Je suis cependant inquiète du désintérêt croissant des jeunes générations pour la littérature en elle-même.
G. : Selon vous, qu’est-ce qui fait de la littérature une ressource essentielle dans notre vie quotidienne ?
C. : C’est un élément capital : elle est mère de tellement d’émotions, fabrique du rêve qui permet de s’évader de la réalité et de prendre du temps pour soi, pour réfléchir, se détendre. De plus, la lecture, emblème du loisir actif, a de nombreux effets bénéfiques, comme acquérir toujours plus de connaissances et limiter certaines addictions.
G. : Quels sont les conseils que vous pourriez donner aux jeunes générations pour leur donner le goût de la lecture ?
C. : Cela dépend de chaque individu. Le conseil que je donnerais est de choisir un thème qui vous correspond le mieux possible, en tenant compte de votre âge (Vous sentez-vous concerné par ce récit ?), vos envies (Que recherchez-vous dans un ouvrage ?) et vos besoins (Suis-je un lecteur occasionnel, intermédiaire ou expérimenté ?).
G. : Quel est votre auteur(e) préféré ? Livre préféré ?
C. : Jane Austen, Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice), même si j’adore beaucoup d’auteurs contemporains. Si j’apprécie autant ce livre, c’est parce qu’il s’agit d’une satire de la société anglaise du XIXe siècle, qui raconte l’histoire d’une femme très en avance sur son temps, qui refuse de « se fondre dans le décor » dans une société où les femmes doivent passer au second plan. Je trouve très original qu’une femme de l’époque puisse décrire ce monde tout en dénonçant les mœurs et inégalités.
G. Vous avez aussi une activité de papeterie. Quelle est sa part dans votre activité ?
C. : Je possède en effet un rayon papeterie conséquent, qui complète bien l’activité de librairie. Je vends des fournitures scolaires, du classement, des agendas, de la papeterie pour enfants type Légami ou Lamy, et des beaux carnets, ce qui représente environ 35 % de mon chiffre d’affaires.
G. : Vendez-vous des œuvres en langues étrangères ? Si oui, lesquelles ?
C. : Oui, même si cela reste rare, il m’arrive parfois de recevoir des demandes pour des livres et manuels scolaires en anglais pour lesquels il est nécessaire de passer commande. Cela représente moins de 5 % de mon activité.
G. : Avez-vous des événements ou des actualités prévus pour cette fin d’année ?
C. : Effectivement, j’ai régulièrement des événements ou actualités de tout genre, essentiellement des séances de dédicaces. Si vous souhaitez en savoir plus, je vous invite à venir me voir directement.
Propos recueillis par Lancelot Chavel